L'assemblée du COE n’a aucun pouvoir, ni prescriptif ni exécutif, parmi les Eglises.
Elle
n’a « que » l’autorité de sa voix. Et l’accumulation presque
étourdissante des voix que nous écoutons lors de ces longues et riches journées
m’inspire une brève méditation …
Une
voix ce n’est rien ! La fugacité, l’évanescence des mots fait ressortir
pour beaucoup de participants l’écart entre la voix et l’action qu’elle
appelle. Pour les sans-droit, les sans-voix, notre assemblée va-t-elle changer
quelque chose ? On perçoit parfois une inquiétude face à une accumulation
de sens qui pourrait s’effondrer sur elle-même dans un nuage, une poussière
verbale que soufflera le premier vent. Des mots fragiles jusqu’à l’illusion,
bulles de savon – selon une belle image de Laurent Schlumberger dans sa
prédication de ce dimanche à Séoul – qui éclatent entre les doigts lorsque l’on
veut enfin saisir, toucher.
Le
soir dans nos chambres d’hôtel, le reflet des néons multicolores sur les
surfaces vitrées des gratte-ciel renvoie un mouvement mécanique indifférent à
nos voix. Que l’on soit éveillé ou que l’on dorme, l’horloge minérale du verre,
du quartz et de la silice broie le temps. Un monde technique où la voix humaine
n’est rien.
Et
pourtant, il y a des voix que l’on n’oublie pas parce qu’elles nous ont
atteint : dans le pire des cas, une voix, c’est une arme. Employée à
contre-emploi, la voix de mon frère peut dénier toute entente. Une voix qui
vient vers moi pour mieux dire que l’on ne se rencontrera pas. Une voix qui
parle pour mieux étouffer les questions ouvertes. Oui, la voix du métropolite
Hilarion a blessé.
Mais
Dieu sait plier les lances pour en faire des serpes, et transformer les épées en
socs pour les labours : si la voix à contre-emploi est une arme, c’est
parce qu’elle touche l’intimité. Mais plutôt que d’attaquer l’intimité de
l’autre, je peux aussi dans ma voix livrer mon intimité, me rendre vulnérable
en m’offrant. Dans l’assemblée, il n’y a pas que l’anglais international,
langue pauvre en vocabulaire, répétitive, chargée de lourdeurs. Il y a des grains de voix, des volumes et des
silences, des accrocs, des vibrations, et parfois des pleurs dans la voix.
Une
voix, c’est l’incarnation d’une prière. Lorsqu’un évêque de Jérusalem et un rabbin de Chicago, David Fox Sandmel, se rejoignent pour témoigner de leur
détermination à espérer, lorsqu’ils proclament ensemble, et clairement, qu’il y
a assez de place pour deux états et pour trois religions en Terre Sainte, alors
une voix est une grande chose.
« J’espère
en l’Eternel de toute mon âme et je m’attends à sa promesse », dit le
psaume.
La
voix du juste est un don qui traverse les siècles et bénit notre histoire.
Frédéric
Chavel
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