J'ai participé au « pèlerinage
pour la paix avec les Eglises de Corée » à Séoul ce week-end. Pendant 2 jours, on nous a
choyés, chouchoutés, traités comme des VIP. Tout au long du week-end, nous avons
été inondés de cadeaux, invités à des repas où les buffets croulaient sous de la
nourriture de choix (samedi soir il y
avait du homard pour tout le monde !). Pourtant je reste sur une
impression mitigée : à la fois un doute sur le visage qui se cache peut-être
derrière un masque souriant et une politesse permanente, mais aussi sur le réel
désir d'accueillir et de rencontrer le « reste du monde ».
Le groupe dans lequel je me
trouve est conduit à la frontière avec la Corée du Nord, vers la DMZ (zone
« démilitarisée », qui se trouve être la zone du pays qui comporte la densité la
plus importante de militaires !). Nous montons sur le « Mount Dora », où nous
sommes accueillis par des militaires. On nous installe dans un
auditorium qui donne sur une large baie vitrée, permettant d'admirer le paysage,
en l'occurrence la zone frontière entre les 2 moitiés de la péninsule. Pendant
que nous entrons, une fanfare joue un air entraînant !
Puis quelques mots
d'explication, toute militaire, sur la situation de cette zone particulière,
avec quelques plaisanteries (déplacées à mon goût) sur ces « sacrés coréens du
Nord » ! 2 cantatrices viennent alors
interpréter l'hymne au Mont Gumgang (« Une montagne à l'éternelle beauté, où
durant de longues années nous n'avons pas pu retourner. Un jour, peut-être, nous
pourrons la revisiter ? Le Mont Gumgang nous appelle... »).
Quelques délégués sont invités
à se lever, et on leur met entre les mains une bougie allumée, tout en priant
pour la paix. A ce moment, il est environ 13h25. On nous demande de sortir sur
la terrasse, où se trouvent des jumelles d'observation de la « zone », tout en
précisant qu'à 13h32, nous devons être installés dans les bus pour
partir !
Durant le trajet aller, on
nous a remis à chacun un ruban de tissu coloré, sur lequel nous avons été priés
d'inscrire le nom d'une personne morte pour la justice et la paix, ainsi qu'une
prière pour la paix en Corée. Le passage-éclair sur la
terrasse, où il est officiellement interdit de prendre des photos, est aussi
l'occasion d'accrocher tous ces rubans sur un fil tendu. Tout ceci est tellement
minuté. Tellement programmé aussi...Tout VIP que nous sommes, nous
ne sommes que « télécommandés » durant tout ce voyage.
Le lendemain matin, par
groupes confessionnels, nous sommes invités à participer au culte dans diverses
assemblées. Pour ma part, j'ai été reçue dans la « petite » Église luthérienne
de Corée, qui possède sa faculté de théologie, et même ses 2 pins plantés devant
l'institut, à la manière du « Luther Garten » de Wittenberg.
Lorsque nous arrivons dans la
salle de prière, elle est presque vide. Seul un groupe de jeunes musiciens
(guitares et synthé) interprète quelques chants d'inspiration charismatique, et
un "amazing grace" repris en choeur par la délégation !Quelques personnes arrivent
finalement, plus la chorale. Peut-être une centaine en tout. On présente vaguement notre
délégation au début du culte, mais curieusement, c'est l'assemblée coréenne qui
est invitée à se lever pour nous dire bonjour !
Ensuite, plus un mot d'anglais
durant tout le service ! On chante, prie, lit la Bible en coréen (on nous a
quand même remis à l'entrée la traduction anglaise de l'évangile, ainsi que ce
qui semble être la prédication, ou du moins une partie). Pas un seul mot ne nous
est destiné. Et ce culte ressemble presque au spectacle militaire de la veille.
Une démonstration, presque un spot publicitaire... On nous montre une chorale, un
petit groupe de jeunes, un orgue et un piano pour accompagner les chants, 4
ministres en robe (un pasteur et probablement 3 diacres dont une femme), une
confirmation d'adulte (ce sont des murmures parmi les membres de notre
délégation qui nous ont permis de le comprendre), un baptême de bébé, 2 baptêmes
d'adultes.
A se demander si c'est comme
ça tous les dimanches, où si on a voulu nous en mettre « plein la vue ». Je ne
critique pas cette intention, qui serait sans doute la nôtre en pareilles
circonstances ! Mais j'ai été gênée par l'aspect démonstratif de ce culte, sans
pour autant m'y sentir accueillie vraiment. Après tout cela, la communion
(enfin !). Mais là encore, pour moi qui suis habituée à un cercle communautaire,
fraternel, où tout le monde se connaît, où l'on peut se regarder voire même se
sourire, attendre en file indienne devant le pasteur pour se voir remettre une
hostie et un petit gobelet individuel à usage unique, c'est assez
sinistre !
Après le culte, on nous offre
encore un repas. Et puis nous voilà de retour dans le bus, pour rejoindre la
gare. Devant le bus nous attendent
pour nous dire au revoir 3 dames en costume traditionnel, ainsi que le couple de
jeunes parents, dont le bébé a été baptisé le matin-même. Et bien sûr, nous
jouons le jeu, nous prenons des photos et faisons des sourires, des inclinaisons
de tête, et des signes de la main pour dire au revoir. Juste avant le départ, le
pasteur monte dans le bus, nous invite à un moment de prière, et nous bénit. Là,
j'ai eu un vrai sentiment de sincérité. Et c'était bon !
Au-delà de mes interrogations
existentielles sur l'hospitalité coréenne, j'ai trouvé ce voyage passionnant.
J'ai été vraiment touchée par tous les moyens, humains, matériels, financiers,
qui ont été déployés pour que ces 2 jours se déroulent sans aucune encombre,
sans flottement, sans même aucun temps mort. Quelle organisation il aura fallu
pour déplacer et accueillir 500 personnes !
Et pour moi, je retiens aussi,
et peut-être avant tout, toutes les rencontres avec des personnes de notre
groupe, de tous horizons géographiques, culturels, spirituels. Quelle richesse,
quelle diversité, quelle fraternité.
Une somptueuse mosaïque qui
compose harmonieusement le plus beau visage du Christ.
Anne-Sophie Guerrier
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