Plénière, AG COE 2006 à Porto Alegre (c) Igor Sperotto |
Le document du COE « Ensemble vers la vie », qui
est un document « programmatique » pour la mission et qui sera
présenté à l’AG du COE à Busan, propose une vision holistique de la mission. C’est un texte
qui veut tout dire et tout inclure dans la mission, et du coup il est très
difficile à lire pour moi, occidentale ayant une logique linéaire. Mais s’il y
a une dimension qui m'a interpellée dans ce texte, c’est l’idée de « mission depuis
la périphérie ».
La « mission depuis la périphérie », c’est l’effort
pour adopter, en matière de mission, le point de vue de ceux qui sont
marginalisés, renvoyés vers la périphérie. Elle s’oppose à la
mission paternaliste ou en tout cas à une mission qui serait uniquement décidée
par des personnes en position de pouvoir à destination de personnes qui n’en
ont pas (de pouvoir). Car, d’après cette conception, « dans la mission
depuis la périphérie, on reconnaît que, être au centre, cela signifie avoir
accès à des systèmes qui affirment et respectent ses propres droits, sa propre
liberté, sa propre individualité », mais pas forcément ceux des autres.
La mission depuis la périphérie est
portée par l’Esprit Saint dans une dynamique de libération, dynamique qui
correspond à la conception biblique du Dieu libérateur. En effet, « Les
gens qui vivent à la périphérie, en marge, ont un potentiel d’action et,
souvent, ils peuvent voir ce qu’on ne peut pas voir depuis le centre. Vivant en
situation de vulnérabilité, les personnes qui vivent à la périphérie savent
souvent quelles sont les forces d’exclusion qui menacent leur survie, et elles
sont le mieux placées pour discerner l’urgence de leur lutte ».
Je retiens de cette « mission depuis la
périphérie » une idée forte :
Quand on pense mission, on est souvent dans une logique
centrifuge : nous sommes les agents de la mission, nous sommes du côté de
Dieu, et nos destinataires sont plus loin de Dieu et nous leur apportons l'évangile. Or la mission depuis la périphérie nous montre que nous sommes
parfois, involontairement, complices de structures et de systèmes et membres de
société qui mettent des gens à la marge. Ces personnes à la marge peuvent être
pour nous des agents de mission en nous aidant à prendre conscience des aspects
négatifs de nos structures et de nos sociétés, donc en nous montant que nous
sommes « complices du péché », de ce qui met la vie en danger, et en nous aidant à nous convertir à
plus de justice. Ces personnes, dans leur combat quotidien pour la vie, ont
souvent un capital d’espérance active et une grande persévérance qu’ils peuvent
nous transmettre et qui peuvent nous soutenir dans nos propres difficultés. Cela
inverse les rôles.
La mission depuis la périphérie m'invite à changer de point de vue, à
dénoncer les « structures pécheresses », les blocages et les fonctionnements injustes. Et à passer d’une vision
centrifuge de la mission à une vision de « la mission de partout à
partout » pour reprendre une expression bien connue (celle qui fonda la CEVAA), pas seulement au
niveau des Eglises mais entre les individus ; une mission centripète qui nous rapproche, tous ensemble,
décideurs et destinataires, du centre qui est Jésus-Christ.
Claire Sixt Gateuille
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire